Année B — Toussaint — 1er novembre 2024
Évangile selon saint Mathieu 5, 1-12a
Si je vous parle d’un temps de Toussaint, vous allez sans doute l’imaginer gris et sombre, peut-être même venteux et froid. La Toussaint traîne une image de feuilles mortes, de tristesse, de deuil, de cimetière et de mort. C’est pourtant tout le contraire que nous célébrons : la joie, la lumière, la vie. C’est aujourd’hui la fête de tous les saints.
Il y a quelques semaines, j’ai rencontré un jeune homme particulièrement triste. Il me parlait de son manque de motivation, de déprime, de sens de la vie perdu. Je voyais bien qu’il tournait autour d’une blessure intérieure. Puis, tombant la pudeur du chagrin, il a fondu en larmes et m’a dit : « Mon grand-père est mort récemment et moi, je suis effondré. Il était mon exemple, mon mentor. Je lui dois tout. » Après un temps de silence, je lui ai répondu : « Ton grand-père est encore vivant en toi et c’est pour cela que tu pleures. Ses gènes, ses gestes et son esprit, tout ce que tu as reçu de lui vit encore en toi. Son amour surtout ! Voilà ce que disent tes larmes : son amour en toi est toujours vif. Mais nous croyons aussi à la vie au-delà de la mort. Nous croyons que ton grand-père est toujours vivant. Parle-lui. Entre en relation spirituelle avec lui. »
Je pourrais vous raconter aussi l’histoire de ce monsieur veuf qui me dit ressentir chaque jour la présence de son épouse défunte à ses côtés : « Elle est vraiment là, vous savez ! »
Je pourrais enfin raconter l’histoire de cette dame qui est au chevet de son père mourant. Ayant déjà perdu sa mère et un frère, elle est effondrée. À un moment donné, il s’éteint puis revient subitement à la vie : « Tu sais c’est beau là-haut, j’ai vu maman et ton frère. Ne sois pas triste. » Et il s’en va finalement les rejoindre.
Nous croyons à la vie après la mort et c’est ce que nous fêtons aujourd’hui : la joie de ceux qui sont dans le ciel. Avez-vous des saints domestiques, des personnes aujourd’hui décédées et dont l’amour est toujours vivant en vous ? Avez-vous des proches dont vous pensez qu’ils sont au ciel ? Qu’ils veillent sur vous et vous protègent ? Le manque de leur présence que nous ressentons est le reflet de l’amour que nous partageons encore et donc de la sainteté que nous espérons pour eux dans le ciel. Le deuil de nos proches s’efface à mesure que nous pensons que leur amour tend vers l’Éternel.
Et puis, peut-être, avez-vous aussi une proximité avec des saints célèbres, des exemples de sainteté reconnus par l’Église qui vous inspirent ? L’imitation des saints est aujourd’hui un peu sortie de la pédagogie de l’Église, c’est dommage. Je vous encourage à lire des vies de saints, ce sont des personnes qui ont résolu beaucoup de problèmes spirituels et pratiques, des compagnons d’âme précieux, des exemples inspirants.
Le saint, c’est le proche de Dieu. Voilà ce qui le définit. Et ce que nous célébrons aujourd’hui c’est cette proximité avec Dieu, au-delà de la mort. La Toussaint est, par excellence, la fête de la résurrection de l’humanité, comme Pâques est celle de la résurrection du Christ, la fête de tous ceux, connus ou inconnus, dont l’amour a triomphé de la mort.
C’est tout sauf une fête sombre et triste, c’est au contraire la célébration joyeuse et lumineuse de tous nos deuils apaisés. La Toussaint, c’est la fête de l’amour humain qui transcende la mort, qui persiste au-delà et pour l’éternité, comme l’amour divin.
Quelles sont les personnes décédées que vous aimez, qui vous accompagnent et vous inspirent encore ? C’est aujourd’hui la fête de votre amour.
— Fr. Laurent Mathelot OP