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Photo du rédacteurMichel Teheux

Pour le bien public



Ils ont fleuri et réapparaissent. Ils se veulent convaincants. Ils s’affichent et se veulent séducteurs. Les slogans se veulent prometteurs de choix qui seront, forcément, les meilleurs. Les campagnes politiques deviennent visuelles et prennent des allures de paraître.

Les programmes se sont affinés et les sondages font leur pronostic que chacun, à droite, au centre ou à gauche, tirent en sa faveur.

Nous voterons dans quelques semaines !

 

Sur fond d’incertitude profonde !

Les utopies en ont pris un coup ! Celles d’un monde ouvert, pluriel. Celles d’un monde solidaire pour que la terre tourne rond. Celles des sociétés fondées sur la tolérance, le vivre ensemble, l’interdépendance.

Ces utopies sont blessées gravement par des programmes odieux stigmatisant l’étranger, magnifiant le repli qu’on affuble des qualités de cocooning, les sectarismes identitaires pudiquement voilés sous les titres nobles de patrie tandis que ce qu’il faudra réappeler le tiers-monde est laissé pour compte des préoccupations internationales.

 

Nous voterons dans quelques semaines !

C’est un devoir.

C’est surtout une responsabilité. Car malgré les déficiences de nos systèmes démocratiques, notre votre détermine, au moins en partie, notre vivre ensemble demain.

Que choisirons-nous comme modèle de société ?

 

La charge politique

 

Le « politique » - le service des intérêts de la cité – est trop souvent blessé. Il est urgent sans doute d’assainir le domaine public ; il est plus urgent encore d’appeler un sursaut d’idéalisme volontaire qui rendra sa noblesse à l’engagement citoyen.

Dénoncer les déformations des institutions est impératif. Reconstruire un sens du service public l’est plus encore.

Si l’électeur aime se faire aimer, le citoyen, lui, a besoin de dirigeants capables de prendre leurs responsabilités. L’heur vient non plus des promesses, mais des arbitrages. Les bilans qui s’imposent, le réalisme des faits constatés, l’état des lieux assumé ne permettent pas de faire tout et son contraire ; ils imposent de tracer des caps, de choisir des modèles et de définir les stratégies pour tenter de leur donner corps.

Le choix des électeurs que nous sommes est bien plus que l’arbitrage de savants équilibres de constats concurrents : il devrait être le parti pris pour des guides responsables. Nos voix et nos votes devraient cautionner des visionnaires.

 

Le représentant politique est autant l’incarnation d’un récit collectif qu’un gestionnaire habile. Loin d’être le seul à pouvoir incarner ce discours et à porter une vision d’avenir, certes, il oriente décisivement – c’est sa fonction et, pour tout dire, son ministère -, il oriente – donne un orient -le vivre ensemble qui fera de tous des citoyens. Garant d’une éthique politique démocratique et d’une communauté solidaire, il est appelé à définir les contours d’un projet commun, d’une vision de la collectivité.

 

Le débat public capitalisera-t-il sur une évolution délétère ou de l’odieux ?

Légitimera-t-il une voie pavée de vulgarité, de bêtise et de haine ou élèvera-t-il – au double sens d’éduquer et de faire prendre de la hauteur ! – le lien social par-delà les identités estimées perdues et les acquis prétendument intouchables ? S’ouvrira-t-il aux défis d’une justice internationale, d’une paix mondiale à reconstruire ?

 

L’homme politique sera-t-il plus qu’un comptable tenu à une bonne gestion, hors de toute idéologie ? Gérer la chose publique revient à poser des choix et donc nécessairement à engager des valeurs. Il ne s’agit pas seulement de mettre en œuvre une action étatique plus ou moins réaliste ou de se débattre dans la grande compétition mondiale. Il s’agit d’écrire un récit qui indique quelle voie nous cherchons à suivre, de fédérer la collectivité en tant qu’entité morale se reconnaissant en certains principes et les tenant pour contraignants.

 

Le devoir citoyen

 

Ce récit collectif fondateur, s’il est de la responsabilité d’être « élevé » par ceux à qui est confiée la charge publique, est aussi appelé à être une histoire commune. Les valeurs ne sont fondatrices que nourries par la reconnaissance de tous. Elles polarisent un être-ensemble parce que tous s’accordent en elles ; elles ont la force du lien qu’elles instaurent.

Tout repli identitaire, tout égocentrisme social ou culturel, tout ghetto religieux ou économique sont immoraux. À l’heure de la tentation de revendications unilatérales des droits acquis lorsque nos sociétés de consommation connaissent hésitations et soubresauts économique, à l’heure de la tentation de replis fileux et prétendument identitaires lorsque les solidarités sociales connaissent le contrechoc des conséquences d’une mondialisation irréversible, il faut rappeler qu’il dépend de chacun d’être le terreau où naîtra une philosophie politique digne de l’homme, de tout homme, de tous les hommes. Car tous comptes-faits, les responsables politiques sont – acquis prestigieux de nos démocraties, des élus.

 

Lorsque dans notre ordinaire de « Monsieur tout le monde nous banalisons des discours stigmatisants et odieux dénonçant les exclus, les étrangers, les non-intégrés, faisant du faible un danger plutôt que l’objet de notre sollicitude, lorsque nous nous satisfaisons d’explications simplistes et ségrégationnistes liant nos soucis sociétaires à une culture, à la religion, à une classe sociale, nous devenons le terreau de politiques imbéciles autant que de dérives condamnables. Pire encore nous sommes en ce cas les artisans de comportements quotidiens déshumanisant.

 

La cohérence de vue et des projets entre la population et ses élus sera le meilleur rempart contre les égoïsmes, la bêtise, la haine et la désagrégation de nos sociétés.

Une société qui se reconnait et se construit dans un récit tissé de solidarité et de valeurs humaines plutôt que de compétition et de dureté, d’exclusion et de repli, aura à cœur de respecter un humanisme qui grandit et élève et de se comporter conformément à la haute opinion qu’elle se fait d’elle-même. Non pas une hauteur faite de mépris vis-à-vis de l’autre, mais, au contraire, une hauteur à la mesure de celle des valeurs qu’elle s’impose et dont elle tâche de se montrer digne. Une hauteur qui, avant tout, oblige celui qui s’en réclame.

Cette société-là est bien plus solide, bien plus résiliente que celle qui, s’estimant pure et assiégée, se voudrait à l’abri des murailles qu’elle devrait rehausser chaque jour.

 

Des choix partisans

 

Il n’est pas dans mes intentions de me faire le porte-drapeau de quelque programme du vivre ensemble ; il n’est pas de ma responsabilité de promouvoir les modalités politiques été d’imaginer les compromis sociétaires indispensables pour fonder un consensus social ; il me revient seulement de redire que tous les projets ne s’équivalent pas, qu’il y a des choix, des valeurs auxquels nous ne pouvons souscrire, qu’il n’y a de possible vivre-ensemble que dans la rencontre et le lien, la solidarité, la tolérance, la préoccupation aux plus faibles et que, pour ceux qui ont choisi de mettre leur conduite sous signe de l’Évangile d’un certain Jésus, c’est cette voie-là et celle-là seule, qui est le chemin de Vie véritable. Ceux qui choisiront de l’emprunter, quelques soient les modèles pluriels qu’ils proposeront pour concrétiser leur choix, trouveront dans ceux qui se réclament du prophète galiléen des partenaires convaincus et volontaires.

Un seul défi nous provoque et nous unit : se mettre au service de l’homme. De tous les hommes, de tout homme.

 

Nous allons voter dans quelques semaines !

J’ose rêver que ceux que nous élirons seront des utopistes réalistes, des idéalistes qui chercheront à traduire une vision de l’homme et un avenir de nos sociétés dans les contingences et mêmes les compromis de notre vivre-ensemble, qu’ils seront des « politiques » et non des politiciens, des serviteurs de la cité.

 

J’ose rêver que ceux qui seront nos « élus » seront des mandataires, le bras exécutif des choix de société qui nous paraissent élever tous les citoyens pour un mieux-être.

 

Et j’ose espérer que la construction de la cité, la gestion des affaires publiques pour le bien de tous et spécialement des plus démunis, des sans-voix et des sans-droits, les risques des engagements politiques, économiques et sociaux au service d’un mieux-être, l’ouverture aux dimensions planétaires de notre monde devenu un grand village, seront nos communes volontés pour faire barrage à ceux qui, par leur choix, rendraient l’homme moins beau et moins grand.

 

En ce jour de fête, les forces vives de notre pays se donnent rendez-vous autour du chef de la nation.

Ces cérémonies seraient peut-être plus que protocolaires si elles devenaient l’occasion de nous réengager tous pour servir ce qui est Bien.

 

Michel Teheux

21 juillet 2024




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