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Photo du rédacteurMichel Teheux

Parmi les siens

La Sainte Famille — 29 décembre 2024

Évangile selon saint Luc 2, 41-52



« Il vint chez les siens… » Le prologue de l’Évangile selon saint Jean méditait, il y a plusieurs jours le mystère de Bethléem.

 

« Il vint chez les siens… » en une courte phrase était résumée l’inattendue Bonne Nouvelle de Noël, ou, plus exactement l’incroyable Bonne Nouvelle de l’Évangile.

 

« Il vint chez les siens… » pour nous qui ne croyons pas en une pseudo-incarnation, cette affirmation du vieux S. Jean est lourde d’un sens dont nous n’avons pas fini de mesure l’amplitude.

Jésus n’a pas fait semblant d’être un homme et nous ne croyons pas en un prophète de Dieu qui aurait été transparent à lui-même et aux autres dès les premières heures de sa vie. Nous croyons en un Jésus qui doit devenir un homme, apprendre à être un homme. Jésus est devenu Jésus ! Il faut tenir jusqu’en ses conséquences les plus intimes cette affirmation sous peine de vider de son contenu notre foi en l’incarnation.

 

« Il vint chez les siens… » Jésus ne revêt pas son humanité comme un vêtement qui habillerait sa vraie nature, divine. Nous ne croyons pas en un Jésus déguisé, dont l’humanité postiche ne serait qu’un accessoire secondaire, voire un handicap pour découvrir sa vraie identité. Nous croyons en un Jésus dont l’humanité est la condition de sa divinité. L’humanité de Jésus est, pour lui, sa manière d’être Fils de Dieu. On ne peut comprendre le mystère de la personne de Jésus qu’en scrutant sa manière d’être homme puisque c’est en étant homme qu’il se manifeste comme Fils unique du Père.

 

« Il vint chez les siens… » si la vie de Jésus fut ce qu’elle fut, si ses paroles nous disent ce qu’elles disent, c’est, bien évidemment par l’inexplicable volonté de Dieu voulant, en son désir d’alliance, parler aux hommes, aimer les hommes et donc, selon la logique même de l’amour qui se modèle sur l’être aimé, devenir un homme.

Mais c’est aussi par la grâce de la vie quotidienne des habitants de Nazareth, par les us et coutumes des pêcheurs du bord du lac, par la tradition séculaire des scribes et des docteurs de la loi, par la méditation priante des prêtres.

Jésus fut ce qu’il fut, Fils de Dieu, parce qu’il fut le fils des hommes, de son pays, de son temps. Et c’est la dignité inimitable des hommes de son temps et de son peuple d’Israël d’avoir modelé la chair du Fils unique. Jésus n’aurait pu être Jésus sans les paysans de Galilée, les habitants de Capharnaüm et les religieux de Jérusalem !

 

« Il vint chez les siens… » Et même si quelques lignes seulement de certains évangélistes nous parlent de la vie cachée de Jésus, oublierons-nous que la vie du Fils de Dieu s’est passée presqu’entièrement à Nazareth : seuls quelques mois ont fait parler du prophète galiléen !

 

Mystère insondable de l’ordinaire, du quotidien !

Il a fallu quelque trente ans pour que Jésus puisse parler pendant quelques mois !

Et voici révélée la grandeur mystérieuse de nôtre aujourd’hui !

 

Devenir homme, grandir, apprendre, mûrir, telle est notre destinée.

Et elle est élevée à une dignité insoupçonnée !

Car il n’y a pas d’autre lieu pour nous accomplir notre vocation d’enfants de Dieu que de vivre notre vie d’hommes !

Nous serions infidèles au mystère de l’incarnation si nous mettions en concurrence notre vocation divine et notre devenir homme. Notre divinisation qui est grâce, passe - ne peut passer – que par notre humanisation.

 

Consécration de ce travail d’enfantement qui dure toute une vie : en apprenant à être plus homme nous donnons chair à ce que Dieu rêve pour nous : que nous devenions vraiment des hommes et, en cela même, ses enfants. Chaque fois que nous sommes moins hommes, nous faisons reculer notre spiritualisation.

 

Retrouvé dans le Temple, Jésus s’étonnait : « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché ? Ne le saviez-vous pas ? C’est chez mon Père que je dois être »

Et il descendit avec eux pour rentrer à Nazareth, il lui fallait encore grandir, en sagesse, en taille et en grâce, sous le regard de Dieu et des hommes pour que son heure arrive.

 

Frères et sœurs, il nous est bon de rappeler ce mystère avant que ne commence une nouvelle année.

Le temps semble s’enrouler sur lui-même : chaque année ressemble à une autre.

En contemplant Jésus adolescent et la famille de Nazareth, nous découvrons que chaque instant est unique, que notre vie familiale, professionnelle, sociale, spirituelle concourt à un seul but : nous donner d’avancer vers notre pleine stature d’homme crée à l’image de Dieu.

Nous n’aurons pas trop d’une nouvelle année pour grandir encore en sagesse et en grâce sous le regard de Dieu et des hommes.

2025 ne sera pas seulement une année comme les autres, elle nous rapprochera un peu plus de nous-mêmes, des autres et de Dieu.

C’est pourquoi, déjà je vous souhaite, non seulement une bonne année, mais aussi – en même temps- une sainte année.

 

Michel Teheux



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