29e dimanche du temps ordinaire - 20 octobre 2024
Évangile selon saint Marc 10, 35-45
Chers Frères et Sœurs,
Nous découvrons, à travers ce récit de Jésus, un moment profondément significatif de sa vie passée avec ses disciples. Dans ce passage, où deux remontrances se croisent, la première en douceur et sous forme d’aparté entre Jésus et les fils de Zébédée, la seconde en tension entre les Apôtres refroidis par Jésus, nous découvrons un nouvel enseignement sur la beauté du service et la grandeur du don de soi.
Tout commence avec Jacques et Jean, suivis par après des autres Apôtres, de manifester un désir bien humain : celui d'être honorés, d'occuper les premières places, de siéger au plus près du plus grand pour profiter de son statut ou de son aura sur les autres. Je ne vous apprends rien en vous disant que ces désirs de grandeur, de reconnaissance ou de pouvoir sont profondément ancrés en nous ; ces désirs visibles dans toutes les sphères de la société, et même parfois dans l’Église. Comment ces désirs s’expriment-ils ? De la façon la plus simple et directe en usant de moyens divers qui ne flattent au final que notre ego. Les moyens modernes facilitent d’autant plus ces désirs où dans l’esprit de nombreux jeunes aujourd’hui la réussite se mesure uniquement au nombre de followers sur TikTok, Instagram ou autres. Bref, nous aspirons à être vus, à être considérés comme importants, à être considérés comme le meilleur… mais souvent au détriment des autres. Or, dans notre Évangile du jour, comme un négatif des désirs centrés sur l’ego, nous comprenons que ce désir de grandeur tel que le monde le conçoit est très différent de ce que Jésus enseigne à ses disciples.
En effet, Jésus, dans sa réponse, renverse complètement cette logique du pouvoir et de la domination. « Celui qui veut devenir grand parmi vous sera votre serviteur ; et celui qui veut être le premier parmi vous sera l’esclave de tous. » En d’autres termes, pour Jésus, la véritable grandeur ne réside pas dans la domination sur les autres, mais bien dans le service. Le mot "serviteur" ici est essentiel. Il ne s'agit pas d'une simple aide ponctuelle ou d'une générosité occasionnelle. Non ! Jésus parle ici d'un mode de vie fondé sur le don de soi, d'un service continu, inconditionnel et humble. Servir les autres, c’est entrer dans une dynamique d’amour, de don et de renoncement à soi-même. Cela nous rappelle avec anticipation l’attitude de Jésus lui-même lors de la dernière Cène, lorsqu’il lave les pieds de ses disciples. Geste important, car c’est bien par sa radicalité – du maitre qui se met à genoux devant le serviteur – qu’il bouleverse la hiérarchie sociale et religieuse de son époque en révélant que « le Fils de l’homme n’est pas venu pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour une multitude. »
Outre le service, Jésus révèle également à ses Apôtres le sens de cette coupe qu’il devra boire… coupe qui correspond au don absolu de soi, où le service total de Jésus culminera sur la croix en se donnant entièrement pour nous. Ainsi L’offrande totale de sa vie pour le salut du monde est le modèle par excellence du service chrétien. Ce n'est pas seulement un service limité aux besoins matériels, mais surtout un service qui va jusqu'au sacrifice de soi, dans l’amour.
En Jésus, nous découvrons donc la beauté et la grandeur suprêmes du service. Le service devient alors quelque chose de magnifique non seulement parce qu’il répond aux besoins des autres, mais surtout parce qu’il est une participation à l’amour de Dieu. Bref, en servant nos frères et sœurs, nous imitons Jésus dans son service et son don total… nous aussi nous participons à sa mission de rédemption, nous entrons dans son projet d'amour.
Pour conclure, chers Frères et Sœurs, Jésus nous enseigne et nous rappelle aujourd’hui que le service n’est pas une perte, mais un gain. Nous pouvons parfois penser que donner de notre temps, de notre énergie ou de nos ressources nous affaiblit. Mais l'expérience chrétienne montre que c'est tout le contraire. En servant, nous recevons. En donnant de nous-mêmes, nous trouvons la véritable joie et la plénitude de la vie. Bref, le service vécu avec humilité et amour peut transformer nos cœurs, nous rapprocher de Dieu, et nous permettre de découvrir une joie profonde, car elle dépasse les limites de notre ego. Car c’est en servant les autres que nous découvrons et explorons le cœur même de notre volonté : la vraie liberté. En libérant nos vies de l’égoïsme, de l’orgueil et de la recherche de nous-mêmes, nous aussi pouvons boire à cette coupe du don de soi, nous plongeant ainsi dans une relation plus profonde avec Dieu et avec les autres.
Que cette parole inspire nos vies, qu’elle nous pousse à chercher non pas la première place, mais la dernière, non pas à être servis, mais à servir, à la manière du Christ, pour que, à travers nous, son amour et sa grâce puissent toucher le monde.
Amen. Alléluia.
Frédéric Kienen