Dimanche de la Résurrection
Dans la nuit, juste un chuchotement. Dans l’écoulement des jours, juste un matin. Dans les questions à nouveau déferlantes, juste un témoignage… L’humilité de Pâques !
L’air devait encore être rempli des senteurs de la nuit et le ciel devait hésiter entre brumes effilochées et traits de lumière hésitants, comme il peut l’être au printemps à Jérusalem. Une femme s’avance à pas rapides, avalant les ruelles encore endormies : elle ne voit rien, ses larmes voilent son regard désespéré. Elle court, comme une folle ; folle, elle l’est : elle n’a qu’une idée, le voir, une dernière fois, toucher une dernière fois son cadavre avant qu’il ne soit englouti dans la grande mort.
Elle croit mourir lorsqu’elle découvre la pierre roulée, le tombeau vide, l’absence, le rien, le déjà enfoui. Oui il vaut mieux mourir : s’il peut être ainsi avalé par la terre celui qui ouvrait les brèches de liberté pour tous les prisonniers des ténèbres, s’il peut disparaître celui qui redonnait vie et place aux lépreux et aux publicains, celui qui rendait la santé aux malades et aux mal portants, qui n’était que soin et compassion, attention et confiance, alors tout été bien fini. Il n’y avait plus rien à attendre, plus rien à espérer.
Le monde n’avait d’autre sens que de tourner en rond : jamais un cœur de pierre ne deviendra un cœur de chair, un pauvre un riche, un mort en sursis, un espoir vivant. Le monde ne sera jamais que le monde !
Le nom aimable et aimé
« Marie » !... Il l’a appelé par son nom. Comme la mère qui éveille son enfant endormi. Comme l’aimant qui rassure pour que la nuit soit peuplée d’étoiles et de rêves.
« Marie » !... Elle entend l’impensable : son nom peut encore être dit : Aimé, Aimable. Ses espoirs les plus fous ressuscitent : la mort n’a pu vaincre le goût des commencements.
« Marie » !... Pâques peut commencer parce que Pâques commence avec un chuchotement. Avec les alléluias vainqueurs. Juste comme une brise légère avant d’être un vent de tempête.
Dans le désarroi de sociétés qui ne savent plus à quel saint se vouer, dans la désillusion des matins qu’on avait promis et crus chantants et qui s’égrènent en termes de crises, de scandales et de funestes évaluations, il nous faut réapprendre Pâques.
Nous préférions les trompettes triomphantes des finales d’opéras ; nous devions apprendre à parler de la réalité de Pâques humblement. Aujourd’hui Pâques se dira comme le chuchotement du nom aimé.
« Marie » !... Le chuchotement lui donne de repartir ! Elle court. Elle va les appeler tous. Par leur nom eux aussi : Pierre, Jacques, Jean… ! Le chuchotement va se démultiplier, Bonne Nouvelle. Il s’énonce, d’oreille en oreille, de vie en vie : il se dit dans nos questions et nos peurs, nous doutes et même nos morts. Juste pour que nous puissions savoir que notre nom est aimé, éternellement et donc que notre vie est aimable. Ce chuchotement nous réveille et nous nous mettons, nous aussi, à le chuchoter : quand on est réveillé, c’est bien connu, on ne peut que réveiller les autres !
L’humilité des mots de Pâques devient ainsi révolution : de chuchotement en chuchotement, la nouvelle s’amplifie pour devenir, un jour, un cri vainqueur l
« Il est vivant et, en lui, toutes choses ont la vie » !
Michel Teheux