19e dimanche du temps ordinaire - 11 août 2024
Évangile selon saint Jean (6, 41-51)
Manger, pour toujours être vivant c’est vital !
Notre vie toujours s’en va à la perte et jour après jour il faut examiner nos forces pour survivre. Manger sera toujours protestation contre la mort.
Ils le savent bien ceux qui sont atteints de boulimie au moment même où la peur, l’angoisse les saisissent. Lorsque nous mangeons, nous tentons désespérément de remplir notre vie ; mais aucune nourriture matérielle, affective, intellectuelle ou même spirituelle, ne peut combler ce creux qui renaît en nous. Condamnés à manger, nous sommes contraints de réapprendre ce que nous sommes : des hommes…
Dans cet acte quotidien, nous découvrons la fragilité de notre existence et nous protestons contre la déchéance de notre vie !
« Je suis le pain vivant… Celui qui mange de ce pain vivra… »
Vivre… La vie, c’est tout. Vivre, c’est l’essentiel pour tout homme. Vivre…
Nous savons si peu, si mal ce que c’est : nous vivons au rabais, nous satisfaisant de nos pauvres aspirations nous vantant de nos résultats dérisoires.
« Je suis le Pain vivant » dit Jésus. Seul Dieu connaît vraiment la vie, son enfant chérie sortie de ses mains au premier matin de l’univers. Personne n’a jamais vu Dieu ; seul celui qui vient de lui le connaît. À voir comment Jésus aima la vie, passionnément, délibérément, nous savons quelque chose de Dieu et comment il est passionné de vie. Mais nous avons aussi momifié Dieu, idole adorable et vénérable ; un Dieu de musée qui n’a plus rien à nous dire, un Dieu lointain, désabusé ou impassible, un Dieu indifférent, comme mort. Quelle surprise lorsque nous serons plongés dans la vitalité débordante, inattendue de notre Dieu.
« Je suis le Pain vivant », dit Jésus. La vie débordante de Dieu se fait chair et sang, « Celui qui mange de ce pain vivra éternellement, et le pain que je donnerai, c’est ma chair pour la vie du monde » ! Mais nous avons pétrifié la chair et le sang du Seigneur, idoles adorables et vénérables, pain des anges et nourriture spirituelle.
Le pain donné pour marcher comme la manne autrefois dans le désert est devenu le pain que l’on vénère. Le pain rompu pour être source de vie et ferment d’un monde nouveau est devenu le prisonnier du tabernacle.
Le pain partagé pour soutenir la charité est devenu « Jésus que l’on adore dans son cœur ». Le pain, fruit du labeur des hommes et de leurs peines, arraché à la stérilité de la terre, est devenu l’hostie blanche et immaculée, pain qui n’a même plus les apparences du pain, pain désincarné, nourriture spirituelle d’une foi désengagée. Quelle nouveauté lorsque nous découvrirons que le pain est source d’une vie nouvelle, débordante.
« Je suis le Pain vivant… Celui qui mange de ce pain vivra ».
Il faut manger comme un croyant. Car manger Jésus Christ signifie devenir un avec lui, manger sa chair et devenir sa chair, boire son sang et le devenir.
« Mange » avait dit Dieu au prophète. Élie et le rouleau de la Loi était devenu aliment de l’espérance enfin ressuscitée. Il faut manger la Parole et elle deviendra en nous parole reconnue, digérée, assimilée.
Nous deviendrons Parole. Celui qui mange le Corps du Sauveur devient son Corps aujourd’hui, son Église, porte-parole de son Évangile et témoin de la vie qu’il peut faire jaillir. Seul vivra celui qui apprend du Christ la mesure de la vie.
« Je suis le Pain vivant » dit Jésus. Un soir il offrira ce pain en rendant grâce pour annoncer sa Passion toute proche. Il allait donner son corps et son sang, tout lui-même, pour la multitude. « Celui qui mange de ce Pain vivra » !
Tous ceux qui entendent ses paroles sont voués, eux aussi, à donner leur vie, sans limites.
« Faites disparaître de votre vie tout ce qui est amertume. Cherchez à imiter Dieu puisque vous êtes ses enfants. Vivez dans l’amour comme le Christ : il nous a aimés et s’est livré pour nous en offrant à Dieu le sacrifice qui pouvait lui plaire ».
« Je suis le Pain vivant ». Jésus disait la passion de Dieu pour la vie.
Il disait déjà sa passion et sa croix.
Et il invitait à devenir sa chair, corps livré pour le salut du monde.
Michel Teheux