3e dimanche de l’Avent — 15 décembre 2024
Évangile selon saint Luc 3, 10-18
Chers Frères et Sœurs,
En ce troisième dimanche de l'Avent, nous faisons une pause dans le cheminement parfois austère de l'attente et de la veille pour embrasser un moment de joie. Gaudete ! Réjouissez-vous ! Soyez dans la joie ! Cette première exhortation, tirée de la lettre de saint Paul aux Philippiens que nous venons d’entendre, ne peut que résonner dans nos cœurs impatients à la fête, car le Seigneur est proche, nous le savons. Courage les enfants ! Plus que dix jours à attendre avant d’ouvrir vos cadeaux. Ainsi, toutes les Lectures d’aujourd’hui sont aussi imprégnées par cette même anticipation, exacerbée par cette invitation pressante à la joie à partager certes, mais également (n’aurions-nous pas tendance à l’oublier ?) à l’espérance à vivre. Car oui, nous sommes proches de la grande fête de la Nativité où nous célébrerons la venue dans le monde de Jésus, notre Sauveur. Toutefois, une interrogation demeure. Bien que cet appel à une joie anticipée soit véritablement sincère, en quoi diffère-t-elle de celle de Noël ? Et pourquoi cette anticipation doit-elle prendre place durant ce temps de l’Avent ? Mettons-nous à l’école de Sophonie et Luc pour répondre à ces questions légitimes.
Tout d’abord, tournons-nous vers le prophète Sophonie qui nous invite à chanter et à jubiler : « Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! » Pourquoi cette invitation à la joie ? Simplement parce que le Seigneur est au milieu de son peuple. Plus précisément, Sophonie annonce une nouvelle renversante : Dieu lui-même prend l’initiative d’ôter le jugement qui pesait sur nous. Il chasse nos ennemis et Il demeure parmi nous, comme un berger qui protège son troupeau. Cette joie que Sophonie annonce n’est donc pas une joie superficielle ou passagère. C’est une joie enracinée dans la certitude que Dieu nous aime et qu’Il agit au plus près de nous pour nous sauver. Ainsi, en cette période de l’Avent, nous sommes invités à cultiver cette confiance profonde que Dieu est fidèle et qu’Il vient transformer nos vies par sa présence. Et qu’en est-il de la joie ? Sophonie nous rappelle ici le ferment de toute joie véritable : la joie jaillit de la présence de Dieu.
Ensuite, poursuivons avec l’évangéliste Luc. Dans son récit, nous rencontrons Jean le Baptiste, un homme à la voix forte qui prêche au bord du Jourdain et baptise à tour de bras comme un acte bien qu’imparfait (car à répéter) de purification des péchés. Avec foi et conviction, il exhorte les foules à se convertir… et réussit assez bien. Pourtant, à première vue, ses paroles semblent sévères, voire radicales lorsqu’il parle de haches prêtes à couper les arbres qui ne portent pas de fruits. Malgré cela, sa radicalité porte un véritable trésor, car, au cœur de son message, réside un appel à la vie et à la joie véritables. Cet appel s’exprime par cette demande incessante des foules : « Que devons-nous faire ? » La réponse de Jean des est on ne peut plus concrète et sincère : partagez avec celui qui n’a rien ; agissez avec justice et honnêteté ; soyez fidèles à votre vocation. Remarquons que ces conseils, bien que simples voire évidents pour nous aujourd’hui, sont révolutionnaires pour son temps. En effet, ils montrent que la conversion n’est pas une liste de gestes spectaculaires à réaliser, mais bien une manière de vivre tournée non pas vers soi et nos propres mérites, mais bien vers l’autre, dans l’amour et la vérité. Ainsi, en cette période de l’Avent, Jean le Baptiste nous invite à retrouver cette simplicité qui nous fait souvent défaut soit par souci de perfection, soit parce que la complexité de notre monde nous submerge parfois. Dès lors, lorsque nous osons la simplicité, en nous mettant au service de nos frères et sœurs, nous faisons l’expérience de la joie véritable. Une joie qui puise sa sève et s’abreuve dans notre conversion comme une réponse joyeuse à l’Amour de Dieu… car nous imitons à nouveau Celui qui donne tout pour nous.
Amour de Dieu… Amour de Dieu… c’est bien beau ! Mais n’est-il pas ce Père qui nous apparait si souvent éloigné de nous, en nous jugeant de ses hauteurs ? Pour couper court à cette ultime question, non pas d’un coup de hache, mais par quelques mots, Jean le Baptiste termine son discours en annonçant la venue de celui qui est plus puissant que lui, celui qui baptisera dans l’Esprit Saint et le feu : Jésus-Christ. Lui, le Fils incarné (et donc au plus proche de nous, car il a partagé notre condition humaine) devient ainsi la source de notre joie, car Il vient pour accomplir ce que le baptême de Jean et nous-mêmes ne pouvons pas réaliser : nous libérer du péché et nous offrir la vie éternelle.
Bon ! Nous disposons maintenant de suffisamment de pistes pour saisir pleinement le sens de cette exhortation Gaudete, c’est-à-dire les raisons de savourer avec anticipation cette joie dès maintenant. Premièrement, en nous réjouissant dans l’espérance… car même au milieu des épreuves, souvenons-nous que Dieu est avec nous ou Emmanuel. Comme Sophonie nous le rappelle, Il est notre force et Il exulte de joie à notre sujet. Deuxièmement, en partageant cette joie… c’est-à-dire en suivant l’appel de Jean-Baptiste à la générosité et à la justice. Car lorsque nous donnons de nous-mêmes, nous permettons à la lumière de l’Évangile de briller dans nos vies et celles des autres. Troisièmement, en accueillant Jésus dans nos cœurs, nous nous préparons à recevoir le Christ, non pas seulement à Noël, mais chaque jour de notre vie, en vivant dans la foi, l’espérance et l’amour… en puisant dans la source de toute joie véritable.
Pour conclure, chers Frères et Sœurs, dans quelques jours, nous contemplerons l’Enfant de la crèche. Cet enfant est la lumière qui éclaire nos ténèbres, le Sauveur qui apporte la paix et la réconciliation. Aussi, la joie du dimanche de Gaudete est un avant-goût de cette fête en nous rappelant ses fondements : une joie anticipée, une joie qui jaillit de la certitude que Dieu est fidèle à ses promesses, que Dieu s’est incarné au plus proche de nous en habitant notre propre condition humaine afin de nous donner le salut. Alors, réjouissez-vous, car le Seigneur est proche ! Et laissons la lumière de l’Avent illuminer nos cœurs et nous guider dans cette joie qui ne déçoit pas, celle de l’amour de Dieu manifesté en Jésus-Christ.
Amen. Alléluia.
Frédéric Kienen