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Photo du rédacteurMichel Teheux

En servant

29e dimanche du temps ordinaire - 20 octobre 2024

Évangile selon saint Marc 10, 35-45



Ils voulaient aller vite en besogne… Un coup de balai à droite, une exclusion à gauche ! le Royaume, pensaient-ils, s’imposerait avec force et puissance, clairement, avec évidence. Ils étaient, il est vrai, à Jéricho, la ville des palmiers, l’oasis luxuriante par laquelle on pénètre en Terre Promise. Ils pensaient que le Règne de Dieu serait établi dans l’éclat des victoires retentissantes et ferait le tri entre les bons et les mauvais. Comme autrefois, lorsqu’au son des trompettes victorieuses, leurs pères, dans la foi, avaient pris la ville, la première cité de la Terre Promise. Il ne fallait pas rater le rendez-vous de l’histoire : demain, Jésus allait prendre la route de Jérusalem, il fallait oser afficher ses prétentions et prendre de court les concurrents toujours possibles, Jacques et Jean, qui avaient été les deux premiers à suivre Jésus, à l’heure des dénouements, réclamaient la présence qui rétribuerait les risques de leur engagement.

 

Et pourtant, à la manière d’une parabole, Jésus venait de placer au milieu d’eux un enfant comme sacrement du Royaume ! « Si vous ne devenez pas comme des enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume » ! Bientôt, quand viendra l’heure d’établir son Règne, il dira : « Mon Royaume n’est pas de ce monde » ! Demain, Jésus fera son entrée dans la Ville Sainte et ce sera l’apothéose du Fils de l’homme… Sur un âne, la monture des pauvres gens, et non pas sur un cheval, arrogant comme un général vainqueur… Pèlerin dérisoire parmi une foule en délire, demain oublié aux mains des autorités qui ont déjà décidé de sa mort.

 

Ils pensaient que le Royaume s’établirait sur les critères de ce monde et ils devaient apprendre que la royauté de Jésus sera découverte sur un gibet d’infamie. Dans l’Évangile de Marc, seul un étranger, un homme impur, homme de main de l’occupant romain, dira le premier la folie de la révélation : « Celui-ci est vraiment le Fils de Dieu » ! Profession de foi des premières communautés converties au scandale du mystère pascal.

 

Ils avaient été les premiers à suivre Jésus, séduits par sa prédication, à Jéricho, ils n’étaient pas encore vraiment des disciples. Pour le devenir, il leur faudra connaître l’épreuve de la passion, découvrir que les places de droite et de gauche seront accordées à deux bandits, entendre le Maître dire à un brigand qu’il siégerait avec lui en paradis tout simplement parce que, dans l’extrême dénuement, cet homme avait osé encore prier. Ils devront s’asseoir à la table des adieux pour découvrir que le Maître atteste sa seigneurie en s’agenouillant aux pieds de ses disciples et leur lave les pieds. Sacrement des temps nouveaux et révolution de l’Évangile, testament de celui qui n’est pas venu pour être servi, mais pour servir.

 

Disciples de Jésus, nous sommes voués au même service et appelés à nous laisser convertir par la folie de l’Évangile. Et, chaque jour, l’eucharistie nous consacre pour être citoyens de ce Royaume-là.

« Vous ferez cela en mémoire de moi… » Bon gré, mal gré, l’Église se souvient et partage la coupe du Serviteur : « Vous êtes mes amis et vous faites ce que je vous commande ; aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés » !

Faisant passer la coupe de mains en mains, nous faisons mémoire de la vie livrée de Jésus pour nous laisser prendre par sa Parole. La coupe que nous échangeons atteste que les relations dans le Royaume sont tissées de don, de fraternité, de communion, de pardon, de partage.

L’eucharistie est au centre de notre vie chrétienne, car elle est cette vocation toujours rappelée, ressuscitée. Sans doute sommes-nous incapables de vraiment comprendre quelle fut la passion du fils unique, sans doute sommes-nous infidèles à son testament, mais l’eucharistie en nos vies nous donne déjà de pressentir que c’est là dans cette passion épousée, dans cette conversion renouvelée, que nous trouverons le bonheur.

 

Puissance de non-violents, sourire patient de ceux qui souffrent, lutte infatigable des artisans de justice, attention portée aux laissés pour compte, espérance de ceux qui osent recommencer, tels sont les signes de reconnaissance des disciples du Serviteur. Chemin de la croix, sans doute, de nos instincts de puissance convertis, de nos révoltes stériles, de nos assurances sans avenir, de nos mépris desséchants. Mais chemin de résurrection puisque c’est le chemin emprunté par Jésus.


« Celui qui veut être mon disciple, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive » !

 

 

Michel Teheux



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