top of page
Photo du rédacteurFr. Laurent Mathelot, o.p.

Crèche vivante

1er dimanche de l’Avent — 1er décembre 2024

Évangile selon saint Luc 21, 25-28.34-36



Nous sommes le premier dimanche de l’Avent. Voici le temps où nous nous préparons pour Noël, à la venue du Christ au monde, à l’incarnation de Dieu en notre humanité.


Chaque Noël célèbre un double événement : la naissance, il y a quelque deux mille ans de Jésus à Bethléem, mais aussi notre propre naissance comme enfants de Dieu. Célébrer Noël, c’est autant célébrer la venue de Dieu dans l’Humanité que le surgissement du divin en nous.


L’Avent, c’est le temps où l’on se prépare à Noël et, pour nous, il s’agit de nous préparer à faire surgir à nouveau frais la vie divine en nous. Autant, voici le temps de décorer et d’illuminer nos maisons et nos villes ; autant est-il temps d’illuminer notre cœur et d’y guetter la joie qu’a Dieu d’y naître et de nous engendrer. Penchons-nous un instant sur cette joie de Dieu à Noël, la joie qu’il a de surgir en toute humanité.


Dans la première lecture, du Livre de Jérémie, on peut capter quelque chose de cette joie. Dans un oracle, Dieu annonce la venue d’un Sauveur, de la lignée de David, qui ouvrira un règne de droit et de justice : « Voici venir des jours où j’accomplirai la parole de bonheur que j’ai adressée à la maison d’Israël ». ; « Jérusalem habitera en sécurité. » Dieu, à l’avance, se réjouit du bonheur qu’il va apporter et de la sécurité qui en découlera.


Pourtant, si on est attentif, on se rend vite compte qu’au temps où Jésus naît, Jérusalem est tout sauf une ville en sécurité, où règnent la justice et le droit. L’occupant romain est partout et il exerce sur le peuple hébreu un joug sévère. L’oppression est autant militaire qu’économique, religieuse et culturelle. Hérode est un roi corrompu, un collaborateur des Romains. Le moindre mouvement de foule est réprimé avec violence et toute contestation est éteinte dans le sang. On nous raconte d’ailleurs qu’à la naissance de Jésus, Marie et Joseph ont dû fuir en Égypte, pour éviter la persécution. Quel que soit le regard que l’on pose sur le massacre des Innocents, le simple fait qu’il soit plausible aux yeux du rédacteur de l’Évangile témoigne de la violence de ce temps.


De tout ceci, on comprend que le bonheur divin ne surgit pas en un jour, qu’il vient discrètement au monde et qu’il lui faudra du temps pour conquérir les cœurs humains.


On comprend mieux encore, avec Paul, dans la Lettre aux Thessaloniciens, que le bonheur et le règne du droit et de la justice surgiront de l’amour entre tous. Certes Dieu, en Jésus, est né au sein de notre Humanité, mais il naît encore chaque fois que nous nous laissons gagner par un amour intense et débordant. Dieu, depuis toujours, cherche à s’incarner – pleinement en Jésus bien sût, mais aussi pleinement en nous.


L’Avent est cette période où nous cherchons à retrouver la pureté originelle de notre cœur, à l’affermir en le rendant plus docile à l’amour de Dieu, à prier pour qu’il surgisse pleinement en nous. L’Avent est cette période où l’on prépare son cœur comme une petite crèche où vient naître l’enfant-dieu, un lieu prêt pour que s’y incarne réellement le plus parfait amour.


L’Évangile, par contre, entre en net contraste avec cette perspective de joie, de justice et de bonheur que nous célébrons. « Il y aura des signes dans le soleil, la lune et les étoiles. Sur terre, les nations seront affolées et désemparées par le fracas de la mer et des flots. Les hommes mourront de peur dans l’attente de ce qui doit arriver au monde. ». On retrouve dans le ton apocalyptique de ce passage ce que nous avions évoqué plus tôt : Dieu vient au monde alors que les temps sont particulièrement troublés. Mais pourquoi ces images de catastrophes ultimes alors qu’il s’agit de se réjouir de la venue d’un sauveur.


Le dire c’est presque y répondre.


Un sauveur vient littéralement nous sauver, précisément du tumulte et de la catastrophe. Il y a un contraste saisissant entre l’incarnation de l’amour de Dieu sous la forme de la venue au monde d’un petit enfant et la violence des temps où cette naissance se produit.


Et nous-mêmes, quand nous cherchons à orienter notre cœur vers un amour plus parfait, c’est bien parce qu’il ne l’est pas, qu’il y règne aussi des tumultes et des conflits, parfois des oppressions et des violences.


C’est forcément dans un certain trouble que Dieu s’incarne. Et c’est au fond de la perdition que la puissance de Dieu apparaît la plus éclatante. La venue au monde de Dieu apparaît alors comme une lumière qui éclaire les ténèbres – nos ténèbres. On rejoint ici l’imagerie de Noël comme le plus pur espoir qui s’incarne dans la nuit… et dans nos nuits.


L’Avent, c’est le temps où malgré les peurs et les conflits, malgré le tumulte du monde et la violence qui nous entoure, nous cherchons l’apaisement de notre cœur par l’incarnation en nous de l’amour natif de Dieu. Je l’ai dit : l’Avent consiste à faire de notre cœur une crèche où la puissance divine pourra concrètement naître et croître, nous enfantant nous-mêmes comme fils et filles de Dieu. L’Avent c’est le temps où nous ravivons l’innocence de notre cœur pour que Dieu vienne au monde à travers nous.


Allez préparer votre maison pour Noël. Réjouissez-vous des illuminations qui enchantent déjà la ville. Mais surtout – surtout – préparez votre cœur à briller plus intensément dans la nuit. Préparez-le à accueillir, comme un enfant, l’amour inouï de Dieu pour le monde.


Alors ce sera véritablement Noël.


— Fr. Laurent Mathelot OP




bottom of page