2e dimanche de l’Avent — 8 décembre 2024
Évangile selon saint Luc 3, 1-6
Ils étaient partis pour un pays lointain, hébétés de douleur et d’angoisse, pour un long exil en terre étrangère.
Ils avaient tout perdu : leur pays, la terre des promesses, leur temple et leur roi.
Ils n’avaient plus rien que la mort et leur désolation qui déjà avait un goût de tombeau.
Malmenés par tant de souffrances et d’inquiétudes, ils n’avaient, pour survivre, que l’écho d’une promesse et la flamme vacillante d’une espérance chaque jour contredite, mais entretenue, par la foi de quelques hommes parlant au nom de Dieu « Voici que je viens ; le jour va se lever : ne le voyez-vous pas ? »
Frères et sœurs, entendez-vous cette voix qui monte de la rumeur séculaire, du désappointement millénaire, du flot des cris de déchirure, de déception, de souffrance ?
Entendez-vous cette profession de foi qui s’élève, appel provoquant de quelques fous de Dieu : « Quitte ta robe de tristesse et regarde vers le soleil levant ! ».
Le désert de malheur va devenir le lieu de retrouvailles, car l’épreuve va devenir fleur de manifestation, de révélation : la déchirure est celle d’un enfantement.
Avec Jérusalem, « la mère des vivants » comme dit le psaume, regardez : vos enfants ont rejeté leurs vêtements de deuil et, en robe de fête, ils accourent vers la cité sainte : l’Exil devient nouvel exode et l’esclavage libération.
« Tiens-toi sur les hauteurs ! Église de Dieu, élève ton cœur, car Dieu se souvient de sa promesse ! Il a décidé de conduire les hommes dans la joie. Nous avions semé dans les larmes et nous pouvons moissonner en chantant. Frères et sœurs, quittez vos robes de tristesse !
La voix qui nous appelle transformerait-elle donc notre désert par un coup de baguette magique ? Notre Avent serait-il seulement, une fois par an, une fuite en avant, utopie sans lendemain ?
Non pas ! Car c’est bien dans le désert que retentit la promesse !
Où s’expérimente la force de l’espérance, sinon dans la marche laborieuse des pèlerins revenant sur la terre des pères où se vit l’alliance, sinon dans ce nouvel exode qui se confond avec les aléas de l’histoire et les intérêts des puissants ?
L’Avent ne nous introduit pas dans un rêve, il est un enfantement douloureux et la route de l’espérance sera tracée en aplanissant les collines, en redressant les chemins, en comblant les ravins.
« Quittez vos robes de tristesse ! est un ordre d’engagement : nos robes de fête seront tissées de justice ébauchée, de fraternité renouée, de joie ressuscitée, de pardon accordé, de vérité esquissée.
Car il n’y a d’autre lieu pour réaliser l’ordre de l’Avent que la marche toujours reprise. C’est cette marche qui transforme nos terres d’exil en terre d’exode et notre vie malheureuse en promesse de lumière.
« Quittez vos robes de tristesse, car Dieu se souvient de vous » - profession de foi en la Bonne Nouvelle de l’Avent – devient alors le fondement d’une autre invitation : « Aplanissez la route, préparez les chemins du Seigneur » !
C’est la conjugaison entre ces deux invitations qui fait de nos terres d’exil une terre sainte, tout à la fois sanctifiée par la promesse de Dieu – terre promise – et pétrie de nos labeurs – terre habitée -.
L’espérance est bien un devoir, notre devoir d’Avent.
L’espérance n’est pas un emplâtre sur nos vies d’hommes, ni une compresse sur nos vies douloureuses, elle est notre vie prise à bras le corps.
L’espérance de l’Avent s’écrit à l’actif, dans nos vies lourdement quotidiennes, épousées, dans nos tâches banalement à ras de terre acceptées.
La promesse n’est pas faite d’une autre chair que celle des hommes et s’il se lève, le soleil de justice, ce sera un fils d’homme né d’un couple inconnu d’un village perdu – Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? – L’espérance de l’Avent n’a d’autre lieu d’origine que le mystère de l’incarnation.
Michel Teheux