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Photo du rédacteurMichel Teheux

Au commencement était la vie !

27e dimanche du temps ordinaire - 6 octobre 2024

Évangile selon saint Marc 10, 2-16



Au commencement était Dieu, le Maître souverain, le créateur. Et Dieu créa l’homme, comme son lieutenant pour qu’il règne sur la création. Dieu voulut échanger, partager ; Et Dieu créa, un autre, un en face. « Il le créa homme et femme ». L’existence n’est réelle que dans la dualité, le dialogue. L’homme et la femme allaient apprendre l’un de l’autre le désir, la tendresse et la communion ; Ils allaient vivre. Exister. L’un par l’autre. Ils allaient apprendre l’un de l’autre la puissance de l’amour, ils allaient être rendus capables d’aimer, ils allaient l’un par l’autre, se rendre capable de Dieu.

 

Et désormais la communion d’un homme et d’une femme sera mystère de foi. Si le mariage est sacrement, c’est que l’union conjugale, au plus intime et au plus intense du désir de l’homme et de la femme est le lieu secret où Dieu révèle qu’exister c’est communier.

 

L’Évangile de ce dimanche sera sans doute reçu durement par ceux que la vie a blessés et qui connaissent la réalité du divorce. Ils entendront peut-être avec amertume le Christ dire avec force : « Ce que Dieu a uni, que l’homme ne le sépare pas » ! alors que, peut-être, ils ont trouvé dans un nouveau mariage plus d’épanouissement et de vérité que dans une union précédente échouée. Mon propos n’est pas ici d’examiner la foi chrétienne pour voir si elle est vraiment sans réponse en face de la situation des divorcés remariés, mais de dire pourquoi la séparation et la rupture sont plus que jamais sans doute, une blessure pour l’homme et pour la société. Cela aussi doit être dit et beaucoup de divorcés sont prêts à le dire aussi car, mieux que quiconque, ils connaissent cette blessure, même si elle s’est lentement cicatrisée.

 

Le divorce est d’autant plus dur aujourd’hui que notre société a fait de l’amour un tout, un absolu et presque le seul fondement du mariage. Loin de moi de louer les mariages de raison où l’amour trouvait place s’il en restait une pour lui. Mais la fragilité de notre monde a fait s’écrouler des fondements qui permettaient autrefois aux mariages de durer, même sans beaucoup d’amour. Nous sommes certes beaucoup plus sensibilisés à la vérité, moins hypocrites, du moins le pensons-nous, mais nous sommes d’autant plus vulnérables. 3quand on n’a que l’amour », on est atrocement blessé quand l’amour vient à craquer… Beaucoup de divorces sont l’échec lamentable d’une aventure qui avait commencé merveilleusement, trop peut-être !

 

Le divorce nous blesse au fur et à mesure qu’il se multiplie parce qu’il insinue en nous que rien n’est définitif, qu’il n’y a pas d’avenir possible, que les beaux mots d’aujourd’hui seront morts demain, que la communion n’est peut-être qu’un leurre et que, tous-comptes-faits le sens de l’existence est « chacun pour soi et Dieu pour tous » ? Que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni. Le sens de la vie est bien le vivre avec, le vivre pour : la fidélité est aussi une volonté, une humilité, un continuel engagement.

 

S’il est vrai qu’on ne peut plus rien dire « pour toujours », plus rien ne serait possible. Qu’il y ait une part de naïveté dans les promesses échangées, c’est vrai et c’est indispensable pour vivre. La séparation blesse trop grièvement nos naïvetés. C’est bien pour cela qu’elle fait toujours si mal. Car l’homme est aussi rêve et utopie.

 

« Je serai à toi et tu seras avec moi » ! Parole indissoluble, fragile et audacieuse comme l’amour ; parole qui engage l’avenir : « Veux-tu que nous soyons une seule chair, pour toujours, dans la fidélité d’un amour qui se cherche et se recrée » ?

Mots d’un sacrement parce qu’ils sont les mots d’une liberté qui découvre une grâce offerte, espérée. Des mots qui sont sacrements parce qu’ils disent Dieu en disant l’homme.

 

Les mots d’un sacrement parce qu’ils sont les mots d’un défi, d’un avenir accueilli.

Le mariage chrétien n’est pas un contrat passé devant notaire. Il est sacrement parce qu’il ouvre sur une alliance nouée chaque jour davantage pour dire que la vie bonne et épanouie est dans la rencontre et la communion. A l’image de la vie qui est Dieu et qui est en elle-même communion, Trinité. Dieu dit je vous aime pour toujours, j’ai besoin de vous pour toujours.

 

Le mariage est sacrement parce que dans la rencontre de deux êtres fragiles qui reconnaissent que l’autre est le seul avenir possible se manifeste et s’actualise le sens de la vie chrétienne.

Il n’y a pas d’avenir pour nous sans réponse libre à l’offre d’amour de Dieu. Si le mariage est sacrement, c’est bien parce qu’il manifeste et actualise le sens de la vie selon l’Évangile : l’Alliance voulue et désirée par Dieu. C’est pour cela que le divorce est grave, il pourrait signifier que l’Alliance de Dieu n’est pas pour toujours.

 

Au commencement, et pour toujours, seuls ces mots étaient source de vie, création.

Au commencement, et pour toujours, seront vivants ceux qui laisseront monter en eux cet immense désir qui les tourne vers l’autre, et cette humble prière :

« Comble-moi de tendresse : tu es ma vie » !

  

Michel Teheux



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