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Photo du rédacteurMichel Teheux

1er dimanche de l'Avent

Évangile selon saint Marc (Mc 13, 33-37)


On nous change la religion ! Pensez donc, on nous a même changé le Notre Père !

Auparavant, on disait : « Que votre règne arrive », et maintenant on dit : « Que ton règne vienne » !

Vous me direz que ce n’est qu’une affaire de mots. Mais les mots ont une âme !

« Venir » se dit des personnes ; « arriver » se dit des événements fortuits. « Ce sont de ces choses qui arrivent », disons-nous avec fatalisme. « Que votre règne arrive !

Que ton règne vienne » !

Là se tient peut-être la conversion à laquelle nous sommes appelés durant cet Avent : passer de la fatalité à l’espérance.


Il n’y a plus rien à faire ! Que peut-on y changer ? la vie est un grand drame dans lequel nous sommes le jouet de forces qui nous dépassent. La crise nous a fait prendre la mesure de notre faiblesse : nous sommes devenus des géants aux pieds d’argile. Et qui peut prétendre qu’il va y changer quelque-chose ?

Qui peut prétendre changer vraiment ? Notre caractère, les contraintes de notre vie restent les mêmes, et il nous faut tenir les rôles qu’on nous reconnaît. Le vin peut s’améliorer en vieillissant, mais nul ne transformera une piquette en un grand cru !

« Ce sont des choses qui arrivent » ! Le hasard et la nécessité sont les deux termes qui caractérisent le plus judicieusement notre vie. Fatalité et désespérance sont les deux maîtresses de ce début de vingt et unième siècle.


Dans cette nuit qui s’épaissit, l’invitation de l’Avent vient réveiller notre torpeur : « Prenez garde, veiller ! veillez « !

Mais n’est-il pas vrai que nous avons fait de cette invitation une mise en garde ? Et nous sommes semblables à ces pompiers qui veillent sur le feu qu’ils ont maîtrisé et qui est toujours prêt à renaître. Nous avons associé la venue de Jésus avec la fin du monde, et pour nous cette venue a des allures de catastrophe. On sait ce que peuvent susciter les Apocalypse Now et autres fils du genre ! « Cela peut arriver » !

Sommes-nous des condamnés à veiller, la peur chevillée à notre être, crispés sur notre avenir, sans même savoir ce qui risque de nous arriver ?


« Veillez… » ! L’Avent nous tourne d’abord vers ce qui est déjà arrivé.

Veillez ! Notre vigilance sera celle des parents qui attendent la naissance de leur premier enfant, celle des amis qui ne vivent qu’à la mesure de leur rencontre et déjà par avance vivent la joie des retrouvailles ; elle sera celle des hommes qui instaurent un comité de vigilance pour prendre en main la situation en temps opportun. Notre veille sera un éveil, une attention, le vieil ami qu’on se réjouit de revoir ou l’inconnu d’hier qui, en un instant, bouleverse le cours des choses et prend la place inattendue. « Viens, Seigneur Jésus » !

C’est l’éternelle prière de l’Église.


Veillez… ! Tenez bon ! Attendez !

Trois synonymes de « Aimer » ! Seul l’amour veille ; seul il peut tenir malgré l’adversité, car seul l’amour fait attendre sans désespérer. L’amour est attente, parce qu’aimer c’est oser reconnaitre et laisser entrevoir sa pauvreté.

« Je t’aime », c’est-à-dire « Je suis pauvre de toi, sans toi » !

Et donc, je peux, je dois t’attendre ! L’amoureux est un mendiant, et l’attente se nomme Désir.


Veillez… ! L’Avent nous provoque à la pauvreté de l’amour. Que seraient l’amour, l’amitié, la tendresse s’ils n’étaient supplication en prière :

« Viens » ! De siècle en siècle, l’Église répète : « Viens… » !

« Viens, Seigneur Jésus, c’est toi que mon cœur aime » !

Veillez, tenez bon ! humblement, durant cet Avent, que notre vigilance devienne attention. C’est dans l’attention de chaque jour que nous vivrons notre attente, car c’est aujourd’hui, jour après jour, siècle après siècle, que le Royaume vient. Comme un ami à notre porte, Jésus se tient prêt à entrer.

Notre attention nous fera tenir jusqu’au jour de Dieu.


Michel Teheux




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